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BROUILLON (step 4)

Le cas de l'informatique est particulièrement concerné par ce type de comportement. En effet, les entreprises informatiques peuvent par le biais de l'article L.122-6-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que l' auteur d'un logiciel peut se réserver par contrat « le droit de corriger les erreurs et de déterminer les modalités particulières auxquelles seront soumis. » « la reproduction permanente ou provisoire d'un logiciel en tout partie par tout moyen et sous toute forme » et « la traduction, l' adaptation, l'arrangement ou toute autre modification d'un logiciel et la reproduction d'un logiciel en résultant. » Ainsi, légalement, une entreprise d'informatique - auteur d'un logiciel - peut mettre ses partenaires en situation de dépendance « informatique », ce qui signifie concrètement une dépendance économique puisque le client n'aura pour choix soit la modification de son système d'information au tarif proposé par son prestataire, soit le changement complet du système d'information en choisissant un autre prestataire, ce qui entraîne des coûts extrêmement élevés. Pour exemple, on peut signaler le cas où le Ministère de la Défense avait réclamé à Microsoft les codes-source d'un programme pour pouvoir faire migrer ses archives informatiques, ce que cette entreprise avait refusé de faire. On constate l'état de dépendance dans lequel peuvent se retrouver certaines entreprises face à leur prestataire à propos de leur système d' information. Bien plus, l'entreprise considérant être victime d'un logiciel libre est libre de se l'approprier et de l'adapter sans risquer une action en concurrence déloyale pour parasitisme puisque le contrat lui permet d' effectuer ces actes en toute légalité. Dès lors, elle peut redistribuer et monnayer son travail auprès des entreprises.

Définition légale

Le Logiciel Libre se définit juridiquement comme l'exercice du droit d'auteur dans une dynamique de partage. Un auteur donne la qualité de Logiciel Libre à sa création en le divulgant, sous forme binaire et source, selon les termes d'une licence qui octroit des droits à tout tiers.

L'esprit de la licence est d'opérer une levée unilatérale d'interdiction selon des termes conformes aux traités internationaux et aux lois nationales afin de permettre à tout tiers l'utilisation, l'étude, la modification et la distribution de l'oeuvre.

  • Un droit d'utilisation implicite.
  • Un droit de reproduction permanent.
  • Un droit de traduction, d'adaptation, d'arrangement ou toute autre modification et la reproduction de l'oeuvre en résultant.
  • Un droit de mise sur le marché de l'oeuvre à titre onéreux ou gratuit par tout procédé.
  • Un droit à l'extraction de savoir faire (ingéniérie inverse, décompilation ou reverse engineering) non limité à des fins d'interopérabilité et portant sur la forme binaire et source.

La licence couvre l'intégralité de l'oeuvre et sa durée s'étend jusqu'au expiration des droits d'auteur sur l'oeuvre.

La majorité des auteurs de Logiciel Libre incluent dans la licence une condition à l'octroi de ces droits: l'oeuvre dérivée doit être divulguée aux mêmes conditions. C'est ce que l'on appelle le copyleft.

Logiciel Libre et droit de la concurrence

Un élément essentiel de tension entre droit d'auteur et droit de la concurrence est fondé sur le fait que le premier octroie des droits privatifs à l'auteur et que le second cherche à promouvoir la concurrence.

En permettant à tout tiers et sans condition l'exercice de tous les droits patrimoniaux sur l'oeuvre, les licences Logiciel Libre affranchissent les oeuvres auquelles elles s'appliquent d'un élément d'opposition entre le droit d'auteur et le droit de la concurrence.

Neutralité dans la concurrence entre auteurs

Une oeuvre Logiciel Libre copyleft est neutre du point de vue de la concurrence entre les auteurs car elle est disponible à tout tiers aux mêmes conditions. Sa divulgation ne peut constituer en soi un avantage concurrentiel d'un auteur sur un autre.

Une oeuvre Logiciel Libre non copyleft introduit une inégalité en permettant aux ayant droit d'oeuvre non Logiciel Libre de s'en servir pour enrichir leur fond alors même que l'accès à ce fond n'est pas accessible aux même conditions à tout tiers.

Une personne (physique ou morale) ou un gouvernement qui déciderait de n'acquérir que des Logiciels Libres illustre une des conséquences ce cette neutralité. Ce choix relève d'un critère qualitatif et non de la sélection d'un ou plusieurs fournisseurs. Un fournisseur produisant et éditant un Logiciel Libre pour répondre à ce client fait une opération neutre vis à vis de ses concurrents. Aucun fournisseur ne peut donc invoquer le droit de la concurrence et prétendre être discriminé par un tel critère qualitatif.

La mobilisation des ressources nécessaires à la conception d'un Logiciel Libre ne peut pas, par définition, s'appuyer exclusivement sur la capacité de l'ayant droit à monayer les modalités de la licence de l'oeuvre après sa divulgation. Cette particularité n'est pas en soi un obstacle de quelque nature que ce soit pour un auteur.

Favorise une concurrence pure et parfaite entre utilisateurs

Chaque Logiciel Libre étant disponible à tous tiers aux mêmes conditions, la concurrence entre les acteurs économiques dont l'activité repose en tout ou en partie sur un Logiciel Libre s'établit sur des bases équitables. L'ayant droit d'un Logiciel Libre ne peut jouer indirectement de ses prérogatives pour contrôler ou influencer les secteurs économiques dépendants de son oeuvre.

La disponibilité d'un Logiciel Libre maximise les probabilités d'apparition d'un ensemble d'acteurs économiques concurrents dont l'activité dépend du Logiciel Libre. Le marché ne peut être contrôlé par l'ayant droit. Supposons un pays sous équipé et au faible potentiel économique. Un système d'exploitation Logiciel Libre tel que GNU/Linux peut être à la base d'une minuscule industrie locale. L'apparition de ce tissu économique n'est pas conditioné à une approbation des ayant droits, un entrepreneur dans ce contexte difficile dispose des mêmes opportunités et des mêmes droits sur le système d'exploitation.

Respect des obligations du droit de la concurrence

Un Logiciel Libre étant disponible à tous aux mêmes conditions, il ne peut être un instrument servant à accomplir des actes sanctionnés par le droit de la concurrence. Pour reprendre les termes des articles 81 et 82 du traité constituant la communauté européenne:

  • fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction. Une licence Logiciel Libre permet à tout tiers de fixer un prix d'achat ou de vente, les autres transactions ne sont pas soumises à condition.
  • limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements. Un acteur divulgant une oeuvre sous licence Logiciel Libre copyleft pose une condition à la jouissance de cette oeuvre. Cette condition est de même nature que l'interdiction de reproduction incluse dans la grande majorité des licences non Logiciel Libre. Cependant elle s'en distingue sur un point essentiel : c'est une condition et non une interdiction. En cela elle ne peut permettre pas à l'ayant droit de limiter ou contrôler ses concurrents. Par exemple, la décision d'un acteur de ne pas investir sur l'oeuvre aux conditions d'une licence Logiciel Libre copyleft relève d'une stratégie entreprenariale établie en toute indépendance et non dictée par l'ayant droit.
  • répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement. Une licence Logiciel Libre permet à tout tiers d'entrer dans le marché exploitant les oeuvres protégées. Les oeuvres sous licence Logiciel Libre pouvant être distribuées par tout tiers il est en pratique impossible de répartir les sources d'approvisionnement.
  • appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence. Les partenariats commerciaux portants sur une oeuvre sous licence Logiciel Libre étant ouverts à tout tiers aux mêmes conditions, elle ne peut être utilisée afin de désavantager des partenaires commerciaux.
  • subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats. Les licences Logiciel Libre ne sont pas, par définition, subordonnés à une prestation.

L'ingéniérie inverse (reverse engineering) est, par définition, explicitement permise pour un Logiciel Libre. Cela garantit à tout tiers un droit à l'interopérabilité avec les Logiciels Libres.

Le droit d'auteur offre actuellement la meilleure protection

La protection juridique des Logiciels Libres repose exclusivement sur le droit d'auteur. Les Logiciels Libres distribués et utilisés dans le monde se comptent en dizaines de milliers, sont conçus par plus d'un demi million d'auteurs et comptent des centaines de millions d'utilisateurs. A titre indicatif, plus de la moitié des serveurs web fonctionnent sur la base d'un Logiciel Libre.

Les licences Logiciel Libre sont donc utilisées à grande echelle et ont été acceptées par une large population dans des contextes juridiques très différents. Les termes de ces licences n'ont suscités, ces vingt dernières années, aucun conflit ayant nécessité un recours aux tribunaux.

Droit international

Il est fréquent qu'un logiciel moderne soit fait d'un réseau de composants comptant plus de pièces qu'un avion, chacun d'entre eux issu d'un auteur différent soumis à un régime légal particulier. Les licences Logiciel Libre les plus utilisées prennent en compte cette propriété, dans le respect de l'idéal d'une concurrence pure et parfaite.

Ces licences sont rédigées en fonction de la convention de Berne et se situent à l'intersection du copyright et du droit d'auteur. Elles sont utilisées, depuis près de vingt ans, comme vecteur d'une volonté de partage par une multitude d'acteurs concurrents dans le monde. Leur assise juridique est assez claire et solide pour avoir créé un consensus à l'échelle de la planète.

Jusqu'à une date récente, les rédacteurs des traités internationaux sur le droit d'auteur ignoraient l'usage spécial qui en est fait pour le Logiciel Libre. Cette situation auparavant fragile se consolide grâce à de nombreux efforts destinés à faire prendre en compte cette problématique lors des modifications des traités internationaux.

Le brevet est inadapté au logiciel

Comme l'explique la note rédigée en forme de question parlementaire fournie en annexe, le brevet est inadapté au logiciel en général et au Logiciel Libre en particulier.

Le régime des brevets appliqué aux logiciels (aujourd'hui interdit en Europe), ferait tomber les Logiciels Libres sous l'influence d'un nouveau corps de règle dont les dispositions ne permetraient pas d'apporter la qualité Logiciel Libre à une oeuvre.

Les brevets logiciels menacent donc de disparition l'ensemble des Logiciels Libres et par conséquent de tout le tissu industriel qui en dépend. Cela introduirait une perturbation importante dans l'équilibre concurrentiel, au bénéfice exclusif des ayants droits d'oeuvres non Logiciel Libre.

L'EUCD introduit un pouvoir de contrôle perturbant la concurrence

Le champ d'action très étendu de l'avant-projet de loi du Ministère de la Culture visant à transposer la directive du 22 mai 2001 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information introduirait de fait des droits privatifs sur les mesures techniques de protection.

La définition des mesures techniques de protection est très vague et le spectre des sanctions envisagées est très large. Il est, par exemple, question de qualifier de contrefaçon toute information dont on aurait des raisons de penser qu'elle pourrait permettre de contourner une portion d'une mesure technique de protection.

Au titre de ces dispositions, les ayants droits sur un oeuvre acquièrent un important pouvoir de contrôle sur l'ensemble des logiciels mis en oeuvre pour jouir de cette oeuvre. On a vu, aux Etats-Unis ou des dispositions similaires ont été introduites en 1998 avec le DMCA, que ce pouvoir de contrôle est essentiellement utilisé pour évincer des concurrents.

L'EUCD est donc un outil puissant permettant d'établir un monopole et contrarie fortement les objectifs du droit de la concurrence.

Correction d'idées reçues

Le Logiciel Libre n'est ni un consortium international, ni un éditeur de logiciel. C'est une qualité qu'une oeuvre acquiert par le biais d'une licence.

Il est toujours possible de négocier une licence particulière avec l'auteur d'une oeuvre, même après la divulgation selon les termes d'une licence Logiciel Libre.

L'auteur d'un Logiciel Libre ne renonce pas à ses droits mais les exerce par le biais d'une licence. Logiciel Libre ne signifie pas domaine public.

L'auteur d'un Logiciel Libre ne s'oppose pas au commerce exploitant son oeuvre.

L'auteur ne peut, à postériori, modifier les conditions de licence d'oeuvre distribuées à des tiers. Il peut seulement modifier les conditons de licences des oeuvres distribuées après sa décision.

La qualité de Logiciel Libre ne dépend jamais du transfert des droits patrimoniaux à un tiers.

Conclusion

Le Logiciel Libre relève d'un exercice particulier du droit d'auteur dans une dynamique de partage. Il touche des centaines de milliers d'auteurs dans le monde et compte des centaines de millions d'utilisateurs. Près de vingt années de pratique montrent que cette logique est largement acceptée sous des régimes légaux très variés.

Les Logiciels Libres se prêtent au développement d'activités commerciales et favorisent une concurrence pure et parfaite entre ses utilisateurs. Ne pouvant servir, par définition, de levier à des pratiques anti-concurrentielles, il reconcilie le droit d'auteur et le droit de la concurrence. La concurrence entre les auteurs n'est pas affectée par les Logiciels Libres car leur disponibilité pour tout tiers les rend neutres.

Les Logiciels Libres occupent donc une place importante dans l'économie et jouent un rôle important dans l'existence d'un paysage concurrentiel sain dans le domaine du logiciel.

Pourtant, l'équilibre permettant l'existence du Logiciel Libre est menacé par une possible légalisation des brevets logiciels et la transposition de l'EUCD. En rendant très difficile (et dans certains cas impossible) d'apporter la qualité Logiciel Libre à une oeuvre, ces modifications des lois sont susceptibles de faire disparaitre un facteur d'équilibre important et compromettrait durablement les ideaux de concurrence pure et parfait recherchés par le droit de la concurrence.

 
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Mis à jour: $Date: 2003-10-20 10:58:27 +0200 (Mon, 20 Oct 2003) $ $Author: loic $