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Faire comprendre le Logiciel Libre à Microsoft
Le porte-parole de Microsoft France (Guillaume Tourres) s'est exprimé
dans le Journal du Net pour confirmer la déclaration de
Craig Mundie faite le 3 Mai 2001. Il est remarquable de constater
qu'à sept jours d'intervalle et malgré le communiqué de la FSF
le discours tenu démontre une incompréhension totale du mouvement
du Logiciel Libre.
Pourtant Eben Moglen et Richard Stallman expliquent
clairement quels
sont les objectifs et les bases légales du Logiciel
Libre. Apparemment M. Tourres n'a pas lu ce texte ou a choisi
d'ignorer l'évidence.
M. Tourres présente l'accès au source des logiciels comme une
innovation propre à Microsoft alors qu'il était pratiqué bien
avant son existence et continue de l'être par la plupart des
éditeurs de logiciels non libres. Cet accès s'accompagne de
conditions très restrictives et/ou d'un prix dissuasif.
Le fait nouveau est de renommer cette pratique partage
de source au lieu de licence source sans rien changer
à ses modalités. La stratégie de Microsoft est purement marketing :
présenter sous un jour nouveau une pratique ancienne et lui donner
un nom alléchant. D'un point de vue client, les changements apportés
sont les mêmes que si Microsoft décidait soudainement de
renommer les Contrats de Licence Utilisateur Final (CLUF) des produits bureautiques
en partage de binaires sans y changer une ligne.
Microsoft espère apparemment, comme le dit Mr Tourres,
que ce changement de nom aura pour conséquence d'apporter à
ses logiciels les qualités qui sont aujourd'hui accordées
au Logiciel Libre. C'est oublier que ces qualités sont la
conséquence directe des quatre libertés fondamentales du Logiciel
Libre et que toutes ces libertés sont déniées à
divers degrés par les licences source de Microsoft.
- La liberté d'exécuter le programme, pour
tous les usages.
- La liberté d'étudier le fonctionnement du
programme. Pour ceci l'accès au code source est une condition requise.
- La liberté de redistribuer des copies, donc d'aider votre voisin.
- La liberté d'améliorer le programme, de l'adapter à vos besoins et de
publier vos améliorations, pour en faire profiter
toute la communauté. Pour ceci l'accès au
code source est une condition requise.
Il faut se rendre à l'évidence: quels que soient les
efforts de Microsoft pour distribuer une plus grande quantité
de licences sources dans le monde, en refusant les libertés du
Logiciel Libre, ils se coupent des qualités qui en découlent.
L'incompréhension qui transparaît dans le discours de M.
Tourres s'illustre particulièrement lorsqu'il affirme que la
licence GNU GPL, [...] est une sorte de droit de propriété
inversé. L'emploi du mot inversé suggère l'idée d'abandon de
tout droit qui est à l'opposé de ce qu'offre la licence GNU GPL.
Un auteur de logiciel qui publie son oeuvre sous licence
GNU GPL choisit d'exercer pleinement son droit d'auteur. Il
est détenteur du copyright et garant de la bonne application
des conditions de la licence. La GNU GPL est l'outil qui lui
permet de garantir les libertés qu'il a choisies d'associer à
son logiciel, le protège contre les détournements ou abus dont
il pourrait être l'objet.
M. Tourres fait en réalité l'amalgame entre le droit
d'auteur et l'activité économique qui consiste à tirer profit
de la propriété d'un logiciel. Dans son esprit, comme dans
celui de beaucoup, le droit d'auteur est uniquement destiné à
permettre à l'auteur de monnayer l'accès au logiciel. Les
auteurs qui ont choisi le Logiciel Libre exercent leur droit
d'auteur dans un autre but. En octroyant les quatre libertés
fondamentales à leur logiciel, ils en assurent l'insertion
dans un tissu économique qui leur permet de tirer efficacement
profit de ce qui constitue aujourd'hui la majorité des revenus
liés aux logiciels : le packaging, la distribution, les
développements à façon, le conseil, la formation, la
maintenance, la documentation etc.
En conclusion, l'interview de M. Tourres reflète le
désarroi de Microsoft face au mouvement du Logiciel Libre.
Les dirigeants réalisent sans doute que les modèles économiques
découlant du Logiciel Libre représentent l'avenir.
Même s'ils sont sensibles en tant qu'hommes à
la force des idées et des concepts du Logiciel Libre, ils
sont désarmés quant à la façon dont Microsoft pourrait
prendre le train en marche. Leurs premières réactions, qui consistent
à attaquer la licence GNU GPL et faire quelques effets de
manche, sont infantiles. Leur temps serait mieux employé à
réfléchir dès maintenant aux stratégies leur permettant
de produire et d'utiliser du Logiciel Libre. Cela prendra
du temps et nécessiterait certainement une remise en cause profonde de leur
modèle d'entreprise mais il n'est pas trop tard.
Voir aussi les articles reprenant cette page dans le Journal
du Net, ZDnet et Yahoo, Le Monde Interactif.
Consulter également la déclaration
unanime de tous les leaders du Libre en réponse à
Microsoft.
Loïc Dachary
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