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Bref propos relatif à la valeur juridique de la GNU GPL
La GNU GPL ou la GNU General Public License (Licence Publique
Générale de GNU) émane de la méthode du copyleft ou
« gauche d'auteur » créée sur l'initiative de Richard
M. Stallman. Le copyleft utilise les lois du copyright non de
manière à privatiser le logiciel mais de manière à le laisser
« libre ».
Dans le premier cas, la licence du logiciel (appelée
communément licence propriétaire) organise la
réservation de ce dernier, c'est-à-dire que l'auteur va
se prévaloir de son droit exclusif. Au contraire, dans le
second cas la GNU GPL permet d'effacer les remparts qui entraveraient
le libre usage du logiciel.
L'originalité
de la GPL déroute car elle renverse l'usage établi du
monopole de l'auteur sur son oeuvre. Elle peut conduire certains
à penser qu'il s'agit purement et simplement d'une remise en
cause des droits de propriété intellectuelle et donc
considérer que la GNU GPL n'est pas valable dans les états
dotés d'un régime de protection des créations.
Mais, n'est-ce pas conclure un peu vite ? Cette originalité
suppose, en toute hypothèse, de produire un effort important
pour bien percevoir le sens de la GPL afin de déterminer
exactement la volonté des parties et finalement en apprécier
la valeur juridique.
L'interprétation
de la GNU GPL n'est pas aisée à plus d'un titre : d'une
part, elle emprunte la forme « sauvage »
des contrats américains et d'autre part elle emploie des
termes techniques. Ces deux obstacles rendent parfois mal aisée
la compréhension des stipulations. Par ailleurs, la GPL est
rédigée en anglais, nonobstant l'exigence légale
de l'emploi de la langue française,
la traduction du texte peut conduire l'interprète à
commettre des confusions voire des contresens.
La
question de l'interprétation de la GPL est d'autant plus
sensible que l'usage de cette licence en France est relativement
récent. Cela explique en partie que la doctrine juridique est
plutôt silencieuse à son sujet. De plus, aucun tribunal
n'a eu à la connaître.
Selon
les termes d'Eben Moglen,
l'objet de la GNU GPL « est de rendre le logiciel libre en
créant un fonds commun auquel chacun peut ajouter, mais duquel
personne ne peut retrancher ». Ainsi non seulement, elle
autorise quiconque à copier, modifier, diffuser le logiciel et
garantit l'accès du code source, mais elle définit
également les conditions de distribution afin d'empêcher
que le logiciel GNU soit transformé en logiciel propriétaire.
L'auteur
d'un logiciel est a priori libre de conférer aux utilisateurs
autant de liberté qu'il souhaite. En effet, le code de la
propriété intellectuelle dispose que l'auteur a le
droit d'autoriser, "la reproduction permanente ou provisoire
d'un logiciel en tout ou partie, par tout moyen, et sous toute
forme(...); la traduction, l'adaptation, l'arrangement ou toute autre
modification d'un logiciel et la reproduction du logiciel en
résultant ; la mise sur le marché à titre
onéreux ou gratuit (...)"(article L 122-6 CPI).
Toutefois,
l'auteur ne peut pas valablement renoncer ou céder ses droits
moraux car ces derniers sont perpétuels, inaliénables
et imprescriptibles (article L 121-1 CPI). Ainsi n'est-il pas vain de
se demander si la GPL, en raison de l'étendue de
l'autorisation qu'elle confère aux utilisateurs, constitue ou
non une renonciation ou une donation des droits moraux, auxquels cas,
elle serait considérée comme nulle.
Avant
tout, rappelons que les droits moraux, en matière de logiciels
ont été réduits à une peau de chagrin. En
effet, « sauf stipulation contraire, l'auteur ne peut pas
s'opposer à la modification du logiciel » (article
L121-7 CPI), de plus, il ne dispose pas de droit de repentir ni
de retrait. Il reste à l'auteur le droit de paternité,
ainsi que le droit de divulgation.
La GPL ne contrevient pas au droit de divulgation appartenant à
l'auteur, car elle caractérise par définition sa
volonté de divulguer sa création, ni ne méconnaît
le droit de paternité étant donné qu'elle
prévoit et même organise la manière dont doit
être indiqué le copyright de tous les contributeurs.
Enfin,
il semble douteux que l'on puisse interpréter la GPL comme une
cession des droits de propriété intellectuelle par
l'auteur : non seulement, la cession, selon le Code de la propriété
intellectuelle, ne se présume pas, mais de plus, l'objet et
les dispositions de la licence supposent que l'auteur entend exercer
lui-même ses droits et non les céder. En effet, l'auteur
doit pouvoir contrôler l'utilisation du logiciel afin
d'empêcher quiconque d'entraver sa libre évolution.
C'est ainsi que la GPL stipule que si l'utilisateur veut intégrer
le logiciel dans un ensemble libre mais soumis à des
conditions différentes, il doit obtenir l'autorisation de
l'auteur. Dès lors, contrairement à une idée
reçue, les droits ne sont pas cédés, qu'ils
soient patrimoniaux ou moraux. La GPL respecte par conséquent
la règle d'inaliénabilité du droit moral.
Les
dispositions légales de la propriété
intellectuelle qui viennent encadrer l'exploitation des oeuvres
de l'esprit, notamment en vue de protéger l'auteur, considéré
comme la partie « faible » au contrat contre les
tiers et contre lui-même, sont respectées par la GPL.
À l'instar de tous les contrats, la GPL doit être valablement
formée. Cela suppose, notamment qu'il y ait eu consentement des
parties. Or, il a été reproché à la GPL de ne prévoir qu'un
consentement tacite de l'utilisateur par le simple usage du
logiciel. Cette objection renvoie au débat relatif à la pratique
américaine « shrink-wrap license » en matière de
progiciel. En effet, s'il est admis que
pour être valable le consentement peut être simplement perceptible, il
doit toutefois être éclairé par la possibilité d'étudier les termes de
la licence ainsi que leur signification. C'est pourquoi, les
dispositions de la GPL qui soumettent la liberté de diffuser le
logiciel à l'obligation de joindre la licence sont essentielles à la
validité de la formation du contrat.
Finalement,
la GNU GPL illustre parfaitement que la rigueur juridique ne fait pas
obstacle à la création contractuelle.
Mélanie Clément-Fontaine
Doctorante en droit privé
Article publié dans la revue Multitudes, n° 5, paru le 16 mai 2001 :
Propriété intellectuelle, logiciels libres, des subjectivités de
l'Internet.
Disponible en librairie, ou par correspondance : 115 Francs franco de
port aux Éditions EXILS 2 Rue du Regard 75006 Paris.
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