Cessions de droit et logiciel libre : intention et promesse

27 septembre 2011

Le débat sur la cession de droits du dernier Desktop Summit s'est focalisé sur la généralisation de l'absence du principe de réciprocité. Une pratique qui cache une intention propriétaire qu'il est temps d'affirmer en tant que telle.

Une conférence sur les cessions de droits des contributeurs au logiciel libre s'est tenue lors du deuxième Desktop Summit [1] de Berlin. Il a opposé Bradley Kuhn, membre du Conseil d'administration de la Free Software Foundation, à Mark Shuttleworth, fondateur d'Ubuntu et PDG de Canonical [2].

L'assignation de copyright consiste pour l'auteur d'un logiciel à céder ses droits à une autre personne. Il est fréquent qu'une société qui publie un logiciel libre contraigne les contributeurs à faire cette démarche pour accepter leur travail. La motivation initiale d'une cession d'un copyright est fondée sur la possibilité de pouvoir mieux défendre le logiciel. Il est en effet plus difficile, dans le cas d'un litige ou d'une procédure judiciaire, de défendre des auteurs dispersés de part le monde.

C'est la raison pour laquelle cette pratique a été initialement encouragée par la FSF. Mais en retour de cette cession, la FSF promet que le logiciel sera publié sous licence copyleft [3]. Un principe de réciprocité (don/promesse) clairement affiché qui ne réserve aucune mauvaise surprise pour l'auteur attaché à la philosophie du libre.

C'est le non-respect de cette réciprocité dans les grands projets libres actuels (Oracle, Google, Canonical...) qui a été le centre du débat du Desktop Summit. Plus précisément, sa justification : intention de publication d'un logiciel propriétaire pour Bradley Kuhn, réfutation mais avec l'incapacité de formuler une autre raison du côté de Mark Shuttleworth. Sans surprise pour Bradley Kuhn : « A chaque fois que je pose la question à un représentant de Canonical, il botte en touche et change de sujet ». Et pour cause.

Affirmer une future intention propriétaire serait mal reçu par les contributeurs, qui n'apprécieraient pas que leur participation non rémunérée au logiciel libre serve à la vente de licences propriétaires. Par ailleurs, les entreprises ont retenu la leçon de l'impopularité du rachat de MySQL [4] par Sun et finalement Oracle, le spécialiste de la base de données propriétaire. La cession de droits étant désormais perçue par le public comme une prise de contrôle risquée, les entreprises ont intérêt à masquer cette réalité pour préserver leur image.

Le principal intérêt de ce débat est d'avoir soulevé l'importance de la promesse copyleft dans la cession de droits. L'enjeu que constitue la clause de réciprocité doit être davantage présent dans les esprits. Dans l'attente de voir clairement affichées les intentions.

Références

[1] - Du 6 au 12 août 2011 : Second Desktop Summit.

[2] - Le débat s'est déroulé en deux temps : un premier sur la nécessité de faire des cessions de droits, un deuxième sur les raisons de l'absence d'une promesse copyleft. Un troisième invité représentait les développeurs en la personne de Michael Meeks, de LibreOffice (projet dérivé de OpenOffice en dehors de l'influence d'Oracle). Karen Sandler, directrice de GNOME et initiatrice de la conférence, était la modératrice des débats. Présentation complète du débat : Panel on Copyright Assignment.

[3] - Pour en savoir plus sur la notion de copyleft, voir la définition sur Wikipédia : copyleft.

[4] - MySQL est un logiciel libre de gestion de base de données qui s'est fait connaître du grand public avec le développement des sites web dynamiques et des CMS qui reposent pour la plupart sur ce système.

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